Entre 1905 et 1922, le courant expressionniste qui traverse la littérature et l'art allemands est accompagné d'une prolifération de revues qui aspirent à une transformation des valeurs établies. Plusieurs de ces revues sont éphémères. Parmi celles qui se distinguent par leur longévité, la revue Der Sturm (1910-1932), tirée à 30 000 exemplaires et diffusée à travers l'Europe, devient rapidement le tremplin des novateurs. C'est à Berlin, en mars 1910, que paraît le premier numéro de cet hebdomadaire d'avant-garde qui fut presque l'œuvre d'un seul homme. Le nom même, Der Sturm (La Tempête), renvoie à la volonté explicite de son directeur Herwarth Walden (Berlin, 1878-Saratov, U.R.S.S., 1941) de secouer radicalement les idées reçues. Dans les premiers numéros on trouve essentiellement des articles de critique littéraire et des textes d'auteurs appartenant à la première génération expressionniste. Mais Walden, qui recherche activement tout ce qui est nouveau et provocateur, ne tarde pas à s'intéresser aux arts plastiques.
Au printemps de 1910, il fait à Vienne la connaissance d'Oskar Kokoschka. Cette rencontre marque non seulement le point de départ d'une longue collaboration, mais aussi le début du recours aux arts graphiques pour illustrer la revue. Aux portraits dessinés par Kokoschka s'ajoutent les bois gravés par les membres de Die Brücke, Max Pechstein, Ernst Kirchner et Erich Heckel. L'image contribue ainsi à la diffusion du terme « expressionniste », dont la revue peut revendiquer la responsabilité en publiant en 1911 et en 1912 des articles polémiques de W. Worringer et de P. F. Schmidt sur ce sujet.
Walden, qui ne cesse de voyager à travers l'Europe à la découverte de nouveaux talents, fonde une galerie du même nom à Berlin et organise en mars 1912 la première exposition Der Sturm, dont le noyau est constitué par les peintres du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter) de Munich. En les regroupant avec les membres de Die Brücke, il devient le défenseur des deux avant-gardes les plus révolutionnaires d'Allemagne. L'action conjointe de la revue et de la galerie est d'une extrême importance pour la diffusion des idées expressionnistes sur les arts plastiques, la poésie, le théâtre et la musique. En 1912-1913, vingt-deux expositions présentent aux Berlinois les avant-gardes européennes. Pourtant Walden n'impose pas une direction unique, sa grande tolérance permet à plusieurs tendances de s'exprimer. Sa position est à la fois polémique et ponctuelle, car elle cherche à présenter les multiples facettes de l'avant-garde. Dans cette optique, il révèle aux Allemands, dès 1913, les futuristes italiens. Il prend contact avec les membres de la Section d'or à Paris et s'enthousiasme pour l'œuvre de Robert Delaunay, dont il publie un article, Sur la lumière. Il défend avec vigueur la peinture de Kandinsky et son récent livre Du spirituel dans l'art ; Der Sturm en publie le chapitre le plus important : « Le Langage des formes et des couleurs ». Der Sturm a également des activités de maison d'édition. Ainsi fait-il paraître, en 1913, Regards sur le passé de Kandinsky, et Les Peintres cubistes d'Apollinaire, quelques mois seulement après la première édition parisienne.
Sous les auspices du Sturm, Walden organise en 1913 le premier Salon d'automne de Berlin, inspiré par le Salon d'automne de Paris. Mais par un choix rigoureux fondé sur des critères esthétiques sûrs, il fait de cette exposition la plus grande manifestation artistique de l'avant-guerre en Europe. Toute l'avant-garde est au rendez-vous et la liste des participants témoigne d'une compréhension de la peinture unique pour l'époque : 366 tableaux de 90 artistes provenant de 15 pays différents, dont la Russie, l'Autriche et même les États-Unis. Le Salon remporte un tel succès que Walden décide d'organiser des expositions itinérantes afin de faire connaître l'avant-garde aux autres villes d'Allemagne. Il publie régulièrement des porte-folios des artistes qu'il défend, ainsi que des cartes postales où sont reproduites leurs œuvres, leur assurant ainsi une vaste diffusion.
En 1914, la revue devient mensuelle, mais la guerre ne ralentit pas les autres activités ; les expositions se succèdent chaque mois dans la galerie berlinoise : Klee, Chagall, Gleizes, Duchamp-Villon, Franz Marc. En 1916, la revue annonce la création d'une école d'art, la Sturmschule, qui propose des cours de musique, de poésie, de théâtre et de peinture. La liste des professeurs comprend, entre autres, les futurs « maîtres » du Bauhaus de Weimar : Paul Klee, Lothar Schreyer et Georg Muche. En 1917, Walden fonde un théâtre expérimental, la Sturmbühne, qu'il dirige avec Lothar Schreyer.
À la fin de la guerre, la position centrale de Der Sturm est remise en cause par la concurrence des autres revues et l'ouverture de nouvelles galeries. Dans un premier temps, Walden défend Dada en accueillant Kurt Schwitters et Max Ernst dans sa galerie. Puis, sous l'impact de la révolution de novembre 1919, il se politise davantage et devient membre du Parti communiste allemand. Il expose les avant-gardes hongroises et polonaises. En dépit de la qualité indiscutable de l'exposition Pougny en 1921 et de celle de Moholy-Nagy en 1922, Walden met fin à toutes les activités parallèles à la revue (théâtre, expositions, lectures publiques, etc.) et consacre la plus grande partie de son temps à des activités politiques. En 1932, face à la montée du nazisme, il arrête la publication de la revue et décide d'émigrer en U.R.S.S.
Constance NAUBERT-RISER. « DER STURM », Encyclopaedia Universalis
Au printemps de 1910, il fait à Vienne la connaissance d'Oskar Kokoschka. Cette rencontre marque non seulement le point de départ d'une longue collaboration, mais aussi le début du recours aux arts graphiques pour illustrer la revue. Aux portraits dessinés par Kokoschka s'ajoutent les bois gravés par les membres de Die Brücke, Max Pechstein, Ernst Kirchner et Erich Heckel. L'image contribue ainsi à la diffusion du terme « expressionniste », dont la revue peut revendiquer la responsabilité en publiant en 1911 et en 1912 des articles polémiques de W. Worringer et de P. F. Schmidt sur ce sujet.
Walden, qui ne cesse de voyager à travers l'Europe à la découverte de nouveaux talents, fonde une galerie du même nom à Berlin et organise en mars 1912 la première exposition Der Sturm, dont le noyau est constitué par les peintres du Cavalier bleu (Der Blaue Reiter) de Munich. En les regroupant avec les membres de Die Brücke, il devient le défenseur des deux avant-gardes les plus révolutionnaires d'Allemagne. L'action conjointe de la revue et de la galerie est d'une extrême importance pour la diffusion des idées expressionnistes sur les arts plastiques, la poésie, le théâtre et la musique. En 1912-1913, vingt-deux expositions présentent aux Berlinois les avant-gardes européennes. Pourtant Walden n'impose pas une direction unique, sa grande tolérance permet à plusieurs tendances de s'exprimer. Sa position est à la fois polémique et ponctuelle, car elle cherche à présenter les multiples facettes de l'avant-garde. Dans cette optique, il révèle aux Allemands, dès 1913, les futuristes italiens. Il prend contact avec les membres de la Section d'or à Paris et s'enthousiasme pour l'œuvre de Robert Delaunay, dont il publie un article, Sur la lumière. Il défend avec vigueur la peinture de Kandinsky et son récent livre Du spirituel dans l'art ; Der Sturm en publie le chapitre le plus important : « Le Langage des formes et des couleurs ». Der Sturm a également des activités de maison d'édition. Ainsi fait-il paraître, en 1913, Regards sur le passé de Kandinsky, et Les Peintres cubistes d'Apollinaire, quelques mois seulement après la première édition parisienne.
Sous les auspices du Sturm, Walden organise en 1913 le premier Salon d'automne de Berlin, inspiré par le Salon d'automne de Paris. Mais par un choix rigoureux fondé sur des critères esthétiques sûrs, il fait de cette exposition la plus grande manifestation artistique de l'avant-guerre en Europe. Toute l'avant-garde est au rendez-vous et la liste des participants témoigne d'une compréhension de la peinture unique pour l'époque : 366 tableaux de 90 artistes provenant de 15 pays différents, dont la Russie, l'Autriche et même les États-Unis. Le Salon remporte un tel succès que Walden décide d'organiser des expositions itinérantes afin de faire connaître l'avant-garde aux autres villes d'Allemagne. Il publie régulièrement des porte-folios des artistes qu'il défend, ainsi que des cartes postales où sont reproduites leurs œuvres, leur assurant ainsi une vaste diffusion.
En 1914, la revue devient mensuelle, mais la guerre ne ralentit pas les autres activités ; les expositions se succèdent chaque mois dans la galerie berlinoise : Klee, Chagall, Gleizes, Duchamp-Villon, Franz Marc. En 1916, la revue annonce la création d'une école d'art, la Sturmschule, qui propose des cours de musique, de poésie, de théâtre et de peinture. La liste des professeurs comprend, entre autres, les futurs « maîtres » du Bauhaus de Weimar : Paul Klee, Lothar Schreyer et Georg Muche. En 1917, Walden fonde un théâtre expérimental, la Sturmbühne, qu'il dirige avec Lothar Schreyer.
À la fin de la guerre, la position centrale de Der Sturm est remise en cause par la concurrence des autres revues et l'ouverture de nouvelles galeries. Dans un premier temps, Walden défend Dada en accueillant Kurt Schwitters et Max Ernst dans sa galerie. Puis, sous l'impact de la révolution de novembre 1919, il se politise davantage et devient membre du Parti communiste allemand. Il expose les avant-gardes hongroises et polonaises. En dépit de la qualité indiscutable de l'exposition Pougny en 1921 et de celle de Moholy-Nagy en 1922, Walden met fin à toutes les activités parallèles à la revue (théâtre, expositions, lectures publiques, etc.) et consacre la plus grande partie de son temps à des activités politiques. En 1932, face à la montée du nazisme, il arrête la publication de la revue et décide d'émigrer en U.R.S.S.
Constance NAUBERT-RISER. « DER STURM », Encyclopaedia Universalis